Et vous, vous étiez où?
Mon premier pas dans le blog politique.
Carrément.
N'ayons pas peur des mots.
Realpolitik.
Non, comme trop souvent, je blogue, enfin, je blague.
Pas facile après une journée de 12 heures que je termine là, il y a peu.
Profession libérable, la donne a changé.
Le minot que vous apercevrez peut-être sur la photo du dessous...
Mais non, aucune chance, c'était une autre ville, une autre usine, un autre temps.
Vous me verriez, là-bas, au fond, sur les épaules de mon père, dans une ville de province, au mai 68 "tranquille", des CRS, oui, mais pas trop SS, ceux-là, la preuve, tous les gamins suivaient les parents, les manif' se croisaient "Papa, agarde là-bas, ya papet y porte le drapeau! l'est tout rouge, le drapeau".
Galéjade. A huit ans, je parlais mieux que ça et disais regarde et pas "agarde" (quoique "gueïto" pouvait m'échapper, en "patois").
Les journées commençaient tôt, on ne badine pas avec une grève. J'accompagnais mes parents à "La Sécu", où tout un monde se retrouvait pour faire des banderoles, des affiches, etc.Une organisation à mettre en place, une prolongation de grève à voter, des journaux et déclarations à commenter. Une grève, c'est pas le foutoir, c'est du sérieux. Il y a des règles à respecter, on n'est pas des branleurs...
Les jeunes barbus s'engueulaient avec les jeunes glabres, sous le regard narquois des "vieux". J'apprendrais à cette occasion que les premiers étaient "maos", "trotskystes" ou "anars", les seconds "socialos" ou CFDT, les derniers, les durs, les "cocos", les "rouges", CGT...
Tout un vocabulaire et une éducation, les riches, les pauvres, le travail, l'État, les syndicats, les partis, la droite, la gauche, le centre et les extrêmes, la grève, le piquet, l'intersyndicale...autant de choses auxquelles je ne comprenais rien. Je ne sais pas si je suis beaucoup plus malin aujourd'hui. Plus blasé, plus suspicieux, moins confiant, mais plus malin?..
Je me rappelle très mal cette époque, ces "grandes vacances" venues trop tôt, cette anomalie dans la continuité habituelle ("Papa, regarde, ya le maître à la manif'"), on me confiait aux grands parents paternels, dans le village de 600 âmes à 14 km de "la ville", soit à l'autre bout du monde. Rien ne pouvait nous y atteindre.
Les vignerons n'étaient pas en grève. Ils descendaient bien "sur les Allées Paul Riquet", pour faire du nombre, pour montrer que le seul vin qui valait le coup, c'était le rouge. On tolérait le rosé, mais tout juste. Mais ils n'allaient pas venir tous les jours non plus.
Mon grand père maternel me parlait, m'expliquait (je posais déjà beaucoup de questions), ce papet (se prononce papé, bien sûr) qui avait été "dans des camps"(?) pendant la guerre, qui se baladait torse nu l'été avec son beau tatouage sur le coeur, ça s'appelait "la faucille et le marteau", et ça faisait retourner les gens, va savoir pourquoi. Toujours devant pendant les manif',même que des fois, il me prenait avec lui, sur les épaules,(je crois même avoir eu le droit de porter le drapeau!) j'en étais tout fier (tu parles, un des derniers ex-conseillers municipaux communistes de l'après-guerre encore vivant à l'époque, 64 ans, mais des muscles et...disons une certaine présence qui faisait qu'on s'écartait de son chemin si on ne le connaissait pas).
Et puis la routine qui s'installe. Le mois de mai qui traîne jusqu'à ce qu'un beau jour, on me dise, "allez, Michel, lève-toi, y'a école aujourd'hui". Ce premier jour de reprise, le ventre serré, pas envie, De Gaulle au placard, Pompidou dans les choux, amertume, partout, et tout le monde. Le copain de classe qui traite les grévistes de sales communiss', ça méritait un pain. Dont acte, et moi je retrouve le piquet, mais pas celui de grève...
Enfin, les choses reprennent la routine joyeuse. Plus de temps des cerises. plus de pique nique sur les Allées. Mais une histoire, une expérience, quelque chose qui demandait à être prolongé de façon personnelle. Huit ans plus tard, on essayait d'imiter nos aînés, on "luttait" à notre façon, souvent très dure, pour ou contre des choses, réformes scolaires, Pinochet, CRS, matraques, "voltigeurs motocyclistes" (un remède: la corde à piano), courses dans les petites rues, fiche des RG,etc...
Trente ans plus tard, tout a changé, même le monde.
Moi aussi, mais, il reste toujours quelque chose de notre passé, ça n'est pas un tableau noir qui s'efface à l'éponge.
Je sens encore les odeurs de l'époque, je vois ces gens, ces foules, toutes ces images, j'entends ces slogans, ces chansons...je n'ai pas oublié, cette partie de moi, de nous, puisque je l'ai vécu "en famille". Et quand, par hasard(!), je me retrouve dans une manif',(si, ça m'arrive, ma femme est fonctionnaire, et je la défends!), les vieilles manies ressortent,et j'ai un pincement au coeur, mais pour trop de raisons qu'il serait trop long, trop difficile et trop intime de dévoiler ici. Plus tard, peu-être...
Lefty Chronicles, le blog d'un guitariste de gauche?
Si ça vous amuse...
Carrément.
N'ayons pas peur des mots.
Realpolitik.
Non, comme trop souvent, je blogue, enfin, je blague.
Pas facile après une journée de 12 heures que je termine là, il y a peu.
Profession libérable, la donne a changé.
Le minot que vous apercevrez peut-être sur la photo du dessous...
Mais non, aucune chance, c'était une autre ville, une autre usine, un autre temps.
Vous me verriez, là-bas, au fond, sur les épaules de mon père, dans une ville de province, au mai 68 "tranquille", des CRS, oui, mais pas trop SS, ceux-là, la preuve, tous les gamins suivaient les parents, les manif' se croisaient "Papa, agarde là-bas, ya papet y porte le drapeau! l'est tout rouge, le drapeau".
Galéjade. A huit ans, je parlais mieux que ça et disais regarde et pas "agarde" (quoique "gueïto" pouvait m'échapper, en "patois").
Les journées commençaient tôt, on ne badine pas avec une grève. J'accompagnais mes parents à "La Sécu", où tout un monde se retrouvait pour faire des banderoles, des affiches, etc.Une organisation à mettre en place, une prolongation de grève à voter, des journaux et déclarations à commenter. Une grève, c'est pas le foutoir, c'est du sérieux. Il y a des règles à respecter, on n'est pas des branleurs...
Les jeunes barbus s'engueulaient avec les jeunes glabres, sous le regard narquois des "vieux". J'apprendrais à cette occasion que les premiers étaient "maos", "trotskystes" ou "anars", les seconds "socialos" ou CFDT, les derniers, les durs, les "cocos", les "rouges", CGT...
Tout un vocabulaire et une éducation, les riches, les pauvres, le travail, l'État, les syndicats, les partis, la droite, la gauche, le centre et les extrêmes, la grève, le piquet, l'intersyndicale...autant de choses auxquelles je ne comprenais rien. Je ne sais pas si je suis beaucoup plus malin aujourd'hui. Plus blasé, plus suspicieux, moins confiant, mais plus malin?..
Je me rappelle très mal cette époque, ces "grandes vacances" venues trop tôt, cette anomalie dans la continuité habituelle ("Papa, regarde, ya le maître à la manif'"), on me confiait aux grands parents paternels, dans le village de 600 âmes à 14 km de "la ville", soit à l'autre bout du monde. Rien ne pouvait nous y atteindre.
Les vignerons n'étaient pas en grève. Ils descendaient bien "sur les Allées Paul Riquet", pour faire du nombre, pour montrer que le seul vin qui valait le coup, c'était le rouge. On tolérait le rosé, mais tout juste. Mais ils n'allaient pas venir tous les jours non plus.
Mon grand père maternel me parlait, m'expliquait (je posais déjà beaucoup de questions), ce papet (se prononce papé, bien sûr) qui avait été "dans des camps"(?) pendant la guerre, qui se baladait torse nu l'été avec son beau tatouage sur le coeur, ça s'appelait "la faucille et le marteau", et ça faisait retourner les gens, va savoir pourquoi. Toujours devant pendant les manif',même que des fois, il me prenait avec lui, sur les épaules,(je crois même avoir eu le droit de porter le drapeau!) j'en étais tout fier (tu parles, un des derniers ex-conseillers municipaux communistes de l'après-guerre encore vivant à l'époque, 64 ans, mais des muscles et...disons une certaine présence qui faisait qu'on s'écartait de son chemin si on ne le connaissait pas).
Et puis la routine qui s'installe. Le mois de mai qui traîne jusqu'à ce qu'un beau jour, on me dise, "allez, Michel, lève-toi, y'a école aujourd'hui". Ce premier jour de reprise, le ventre serré, pas envie, De Gaulle au placard, Pompidou dans les choux, amertume, partout, et tout le monde. Le copain de classe qui traite les grévistes de sales communiss', ça méritait un pain. Dont acte, et moi je retrouve le piquet, mais pas celui de grève...
Enfin, les choses reprennent la routine joyeuse. Plus de temps des cerises. plus de pique nique sur les Allées. Mais une histoire, une expérience, quelque chose qui demandait à être prolongé de façon personnelle. Huit ans plus tard, on essayait d'imiter nos aînés, on "luttait" à notre façon, souvent très dure, pour ou contre des choses, réformes scolaires, Pinochet, CRS, matraques, "voltigeurs motocyclistes" (un remède: la corde à piano), courses dans les petites rues, fiche des RG,etc...
Trente ans plus tard, tout a changé, même le monde.
Moi aussi, mais, il reste toujours quelque chose de notre passé, ça n'est pas un tableau noir qui s'efface à l'éponge.
Je sens encore les odeurs de l'époque, je vois ces gens, ces foules, toutes ces images, j'entends ces slogans, ces chansons...je n'ai pas oublié, cette partie de moi, de nous, puisque je l'ai vécu "en famille". Et quand, par hasard(!), je me retrouve dans une manif',(si, ça m'arrive, ma femme est fonctionnaire, et je la défends!), les vieilles manies ressortent,et j'ai un pincement au coeur, mais pour trop de raisons qu'il serait trop long, trop difficile et trop intime de dévoiler ici. Plus tard, peu-être...
Lefty Chronicles, le blog d'un guitariste de gauche?
Si ça vous amuse...
Commentaires
Je suis né en 62, donc j'avais 6 ans à cette époque (si, si, vérifiez avec une calculette).
L'âge de rentrer à la 'grande' école donc : le lycée public 'Turgot' qui était à 5 mn de chez moi à Paris.
Sauf qu'en cette période d'inscription, la révolte grondait salement dans ledit lycée.
Résultat des courses : mon père, pourtant un intello bohème mais papa avant tout, prend un peu peur pour son rejeton, et se fait conseiller une école privée du secteur.
Sauf que (je répète la formule), l'école est catholique, que mes parents ne sont nullement mariés et leur nain encore moins baptisé ...
En un mois : j'ai assisté au mariage (civil, faut pas pousser quand même) de mes parents et je me suis fait baptiser par un vieux curé adorable dans une petite église de Seine et marne.
J'ai passé toute ma scolarité dans ce lycée jusqu'au Bac ...
Moralité, ce vent de liberté aura eu comme curieuse conséquence de pousser mes parents dans les liens du mariage et moi vers l'Eglise.
Etonnant, non ? comme disait un de mes maîtres
ce sont des histoires comme ça qui nous interessent aujourd'hui, plus que les interpretations douteuses de politologues avisés sur une période cause de tous les maux de notre temps.
tres jolie histoire, j'aimerais bien que plein de gens m'en racontent des aussi sympas!
Cette petite histoire personnelle m'a toujours rappelé à quel point l'ordre/le désordre, le 'mal'/le 'bien', ... s'alimentent sans cesse tant dans l'histoire de l'humanité que dans nos 'petites' vies. Tellement que les pistes me semblent totalement brouillées.
A ce propos, le Blues et tous ses dérivés existeraient-ils s'il n'y avait pas eu d'esclavage ... ?
Non, à mon avis, le blues s'est nourri a beaucoup de choses, toutes plus ou moins issues de l'esclavage des noirs d'afrique.
Mais il s'est aussi nourri de la pauvre vie des petits blancs d'europe, qui étaient certes libres, mais de crever de faim.
Bon, derrière ça, le blues a nourri, ben toute la musique que j'aime, hein, ah que, elle vient de là...
Je n'irai quand même pas dire que l'esclavage et la misère ont été des bienfaits puisqu'on a tout plein de belle musique derrière...
Après, le pourquoi du comment des choses...et le hasard, hein?
en Mai 68, vous étiez en culottes courtes mais moi j'avais..heu 9ans et demi alors hein je peux en parler!
Ben..heu je me souviens plus trop en fait. A part maman et papa morts d'inquiétudes de voir Tatou et Momo (2 de mes grandes soeurs, lyceennes à l'epoque) partir le matin "en Manif" à Paris. Ils avaient loués une télé pour suivre mes Zévénements. Je me souvient bien de ces paquets de CRS avec leurs beaux casques et leurs beaux boucliers. Moi mon trip c'etait plutôt Thierry la fronde avec sa mini jupe et son collant moule-burnes...
Comme Lefty, j'ai reproduit le schema un peu plus tard avec Haby (y'a d'l'abus on viendra à bout d'Haby),Fontanet et Debré bien-sûr.
L'histoire de Sylvain est sympa et me rappelle qu'un politologue l'autre jour disait que 68 avait aussi rapproché les familles contrairement à ce que d'autres prétendent...
C'est aussi à cette epoque que j'ai appris l'existence de cellules aux doux noms comme GUD,SAC,RG qui a commencé à reveler ma profonde aversion du bruit des bottes..mais bon, c'etait déja inscrit dans les gènes familiales
Tres interessant le coup de la corde à piano aussi.Avec une de Ukulélé faudrait essayer, c'est plus innofensif mais ça peut faire ploing ploing au passage de la moto
les commentaires sur mai 68 que j'entends aujourd'hui me font sourire, soit parce que les mecs enfoncent des portes ouvertes, soit parce que c'est Con Bandit qui parle, et la je hurle de rire.
par contre, sans déconner, je me serais pas amusé a Thierry La Flingue au milieu de la rue, à cette époque là...
et, si vous y réflechissez, 68, tous les grands groupes et musiciens qui allaient nous faire rêver 5 à 10 ans plus tard faisaient leur "coming out", leurs graines venaient de germer...